Marche funèbre pour le triple A (Libération)

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bonjour ! Bienvenue sur France Télévisions pour un événement chargé en émotions : l’enterrement du triple A en direct de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Un décès survenu après une longue période d’agonie.

Oui, Robert…, le triple «A» était en état de mort clinique depuis des mois, maintenu en vie artificielle par le gouvernement Fillon à l’aide de mesurettes aussi ridicules qu’inefficaces et puis vendredi 13 janvier, Standard and Poor’s a choisi d’abréger cette mascarade et de débrancher cette lettre qui faisait la fierté de notre pays.

C’est un peu – Jean-Pierre, pardonnez-moi cette comparaison – comme si l’on avait émasculé, notre coq national. Un coq sans couilles qui désormais réveillera notre pays groggy avec un chant de castrat ! Très belle image, Robert… Comme celle de cette cathédrale pratiquement pleine. Une cérémonie retransmise dans les 27 pays de l’Union européenne et qui devrait démarrer d’une minute à l’autre. Alors que François Fillon pénètre à l’instant sous la nef de Notre-Dame de Paris… Entouré d’une partie de son gouvernement… Roselyne Bachelot, très amaigrie, visiblement marquée par cette fin de quinquennat, Xavier Bertrand en larmes, inconsolable depuis vendredi, Nadine Morano tout de noir vêtue, le visage recouvert d’un voile, mais qui continue à envoyer des tweets (un huissier lui demande d’arrêter), David Douillet souriant, faisant des signes de la main à tout le monde comme s’il était au Parc des Princes, on essaye de lui faire comprendre qu’il est dans une église… alors qu’Eric Besson – image incroyable ! -, Eric Besson demande à s’asseoir au milieu du groupe socialiste. Besson qui vient de comprendre que la partie est fichue et qui demande à revenir parmi ses anciens camarades… «Dégage !», lui dit Manuel Valls, premier instant très fort de cette cérémonie. Précisons, Jean-Pierre, que l’heure est aussi à la colère. Jean-Marc Sylvestre me confiait que jamais de toute sa carrière, il n’aurait imaginé que la France vivrait une telle humiliation, un tel désaveu… Un Jean-Marc Sylvestre désormais agenouillé et qui prie aux côtés de Jean-Pierre Gaillard… Il n’y a peut-être plus que ça à faire : PRIER !

Encore une belle image… Que d’émotions ce matin à Notre-Dame… Alors qu’à l’instant la dépouille du triple A pénètre dans la cathédrale, accompagnée de la Marche funèbre de Frédéric Chopin… Un A recouvert de roses blanches et porté par tous les ministres des Finances de ces dix dernières années : de Francis Mer à Christine Lagarde, sans oublier François Baroin, anéanti…

Oui, Robert, un symbole très fort, voulu par le président de la République en personne : «Les ministres des Finances responsables de ce désastre porteront le triple A jusqu’à sa dernière demeure !» Le Président qui fut, lui aussi, ministre du Budget en 2004, ne l’oublions pas, et qui s’apprête à parler…

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Absolument, Jean-Pierre, le Président qui, dans un premier temps, a tenté de minimiser la perte du triple «A» et qui aujourd’hui a décidé d’assumer ses erreurs, nous l’écoutons : «Mes chers compatriotes, je ne trouve pas d’autres guides à l’action dans ces temps troublés que ces deux mots : vérité et courage… La vérité, je vais vous la dire : dépenser 176 millions d’euros dans Air Sarko One, pour mon bon plaisir, mon petit confort personnel, dans une période de crise aussi dure, c’était inconscient, égoïste et imbécile de ma part… Dépenser 1 072 437 euros dans un dîner de 200 personnes pour le sommet de la Méditerranée, soit 5 367 euros par couvert, c’était aussi scandaleux… Une gabegie inutile qui envoie des signes négatifs aux agences de notation. Comment voulez-vous que Standard and Poor’s éprouve de la compassion pour un Président qui a autant le souci de lui-même et aussi peu l’intérêt des autres ? Je voudrais maintenant que Christian Blanc, qui s’est fait payer 12 000 euros de cigares par l’Etat, et qu’Alain Joyandet, qui a loué un jet 116 500 euros pour se rendre à Haïti, s’agenouillent comme moi pour demander pardon au triple A.» Magnifique moment de politique, Thierry, un président qui assume ses erreurs, fait son mea culpa, du jamais-vu dans l’histoire de la Ve République… Alors qu’Eric Woerth fait la quête dans l’assistance à l’aide d’une corbeille pour tâcher de renflouer nos caisses, un geste qu’il connaît bien, maintes fois répété en Suisse et chez Madame Bettencourt… Que d’émotions ce matin !

Pardon de vous interrompre, mais on me signale la présence du député socialiste de l’Aisne, René Dosière… Dosière, le Monsieur Propre de la politique, l’homme qui se promène toujours avec sa calculette en poche afin de vérifier centime par centime le bon usage de nos dépenses publiques. Dosière, qui en 2009 avait dénoncé la hausse des dépenses de nos ministères (+ 13 % des salaires, + 20 % des primes), et qui avait écrit : «Ces augmentations démesurées sont incompréhensibles dans la période de crise qui frappe si durement les Français !»

Pardon pour ce très mauvais jeu de mot, Jean-Pierre, mais si, à l’époque, nous avions écouté le député de l’Aisne, nous ne l’aurions pas, aujourd’hui, dans le cul ! Ici Notre-Dame, à vous les studios…

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