Les nominés sont… (Libération)

Vendredi soir, en regardant la cérémonie des césars, je me suis dit que ça serait une bonne idée de récompenser nos hommes politiques. Une fois tous les cinq ans, juste avant la présidentielle, on pourrait ainsi honorer les plus méritants, une sorte de «césars de la politique» qui serait un mixte des Gérard de la télévision, des Y’a bon Awards et du prix de l’humour politique. Une distinction suprême qui rappellerait «les plus beaux faits d’armes» de nos dirigeants. A l’instar des césars, il y aurait différentes catégories : les espoirs, les seconds couteaux, les stars, le césar d’honneur… On démarrerait la soirée par les césars les moins prestigieux pour aller crescendo vers les plus convoités.

A titre d’exemple, gageons que «le césar du dérapage raciste le plus crade du quinquennat» serait l’un des plus disputés. Pour cette catégorie sont nominés : Brice Hortefeux pour sa phrase sur les Arabes : «Lorsqu’il y en a un ça va, c’est lorsqu’il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.» Chantal Brunel pour sa proposition de remettre les immigrés à la mer et Claude Guéant pour avoir déclaré : «Toutes les civilisations ne se valent pas.» Le gagnant est… (Suspens, ouverture de l’enveloppe) un quinquennat extrêmement serré, beaucoup de propos nauséeux… le césar est attribué à Claude Guéant ! (Musique.) Claude se lève, voix off du commentateur : «Claude Guéant, ancien préfet, aujourd’hui ministre de l’Intérieur, un césar qui vient couronner un parcours sans fautes : « Les Comoriens sont violents », »Les Roms sont des délinquants » et enfin sa petite phrase sur les civilisations qui a certainement fait la différence auprès du jury… Un prix amplement mérité !» Là-dessus, Guéant en larmes remercie l’assistance, tous ceux sans qui il n’aurait jamais réussi : ses proches, ses amis et bien sûr son mentor, le président de la République : «Merci à toi Nicolas, c’est toi qui as guidé mes pas sur les terres du FN, ce prix, je te le dédie !» Avouez que ça aurait de la gueule cette cérémonie, à deux mois du scrutin, et aussi le mérite de rafraîchir quelques mémoires !

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Parmi les césars les plus convoités, celui de «la plus grosse crapulerie». Les nominés mis en examen sont : Eric Woerth pour «trafic d’influence passif, recel et financement illicites de parti», Nicolas Bazire pour «complicité de biens sociaux», Thierry Gaubert pour «subornation de témoin» et le juge Courroye pour «collecte illicite de données et violation du secret des correspondances». Le gagnant est… le juge Courroye ! (Musique et voix du commentateur) «C’est plus que mérité. Un prix qui a valeur de symbole, qui vient récompenser cinq ans de magouilles au plus haut niveau de l’Etat : affaires judiciaires étouffées, juges dessaisis, journalistes mis sur écoute… et c’est Rachida Dati, sanglée dans un magnifique fourreau Dior qui remet son prix au procureur… Rachida, très sollicitée ce soir, puisqu’elle a également remis le césar du meilleur acteur de complément à François Fillon… Un Fillon toujours un peu boudé par la profession.»

Dans ce dispositif il faudrait bien sûr instituer le prix du meilleur scénario, catégorie reine en politique. Et même, pourquoi pas, plusieurs sous-catégories, afin qu’on puisse avoir plusieurs vainqueurs…

César du scénario qui prend le spectateur pour un con : Eric Besson pour sa phrase «Fukushima n’est pas une catastrophe nucléaire» ; césar du scénario à dormir debout : Frédéric Mitterrand pour avoir raconté à Laurence Ferrari que les hommes avec lesquels il couchait en Thaïlande avaient tous plus de 40 ans ; césar du scénario le plus cher : Christine Lagarde pour avoir filé 400 millions d’euros à l’acteur Bernard Tapie… Une première : jamais dans l’histoire du Septième Art, un comédien aussi mauvais n’avait été payé aussi cher. César du scénario le plus cruel, du «happy end» le plus pathétique : Nicolas Sarkozy pour avoir promis aux ouvriers de Gandrange de «revenir lui-même annoncer la solution qu’il aurait trouvée».

On en arrive tout naturellement au césar d’honneur. Un césar exceptionnel destiné à récompenser l’ensemble d’une œuvre. A de rares exceptions, un césar d’honneur n’est jamais bon signe. Le «gagnant» est généralement proche de la sortie, de la retraite, voire… du Père-Lachaise. Et le gagnant est… Nicolas Sarkozy ! Oui, la profession dans sa majorité souhaitait qu’il arrête de tourner : «Assez de cinéma !» Le public, las de sa démagogie trop voyante, de ses multiples mensonges, pitreries, revirements en tout genre, réclame un acteur plus droit, plus juste, plus posé… Le Président ira donc chercher son césar accompagné d’une Carlita plus énamourée que jamais. «Chouchou est formidaaable, sans lui, ici, ce serait la Grèce, la Syrie, Homs… !» En revanche, à l’issue de la cérémonie, il ne sera pas question d’aller dîner au Fouquet’s. L’autre jour, le Président l’a dit en bégayant à Pujadas : «Ça lui a coûté assez cher !» Nicolas et son épouse se rendront au Flunch d’Aubervilliers, le restaurant préféré de Carlita, elle l’a avoué au magazine Télé 7 jours :«Après un épisode de Plus Belle la vie, je prends la formule « Saveur de montagne » avec sa tartiflette à la tomme de Savoie à 5 euros, plus peuple c’est impossible !» Il se murmure d’ailleurs que l’Académie pourrait remettre au Président un césar des césars, distinction très rarement accordée pour un rôle de composition exceptionnellement interprété : «Faire peuple coûte que coûte».

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